Interview Arthur Fanget – Réalisateur Kino Série Episode 3

Arthur Fanget, réalisateur de l’épisode 3 de la Kino-Série a accepté de passer sous le feu des projecteurs pour nous dévoiler les coulisses de son métier.

Depuis quand fais-tu ce métier et quelles études as-tu fait pour en arriver là ?

Alors, cela va bientôt faire 10 ans que j’exerce ce métier. Concernant mes études, j’ai fait un BTS Cinéma Audiovisuel et Technologies Numériques dans une école à Lyon qui s’appelle l’ARFISV.

Comment décrirais-tu ta relation avec les scénaristes ?

J’écris pas mal moi-même. On pense que c’est facile d’écrire, mais cela demande un certain nombre de disciplines et de connaissances. Les scénaristes m’ont dont beaucoup appris et m’ont aidé à structurer ma pensée. Mais, de plus en plus, je me rends compte que les scénaristes, trop peu présents en France, ont une toute autre manière de faire qui est plutôt intéressante et enrichissante pour nous réalisateurs. Ici, en France, il y a trop d’auteurs-réalisateurs, contrairement aux Etats-Unis où il y a vraiment un travail de scénarisation et de réalisation, tous deux bien distincts. Deux visions différentes s’affrontent alors et fusionnement afin de produire un meilleur travail. Cela apporte une « touche supplémentaire » au produit final. En France, vu que l’on a des auteurs-réalisateurs, on n’a pas cette deuxième vision, cette vision extérieure et plus objective. C’est assez dommage.

 As-tu l’habitude de travailler avec un scénariste en particulier ?

J’ai beaucoup travaillé avec Sarah Beaulieu, que j’apprécie beaucoup. Elle m’a beaucoup aidé, notamment, pour la structure de ma pensée et de mes idées … Mais, de plus en plus, je travaille avec des scénaristes différents.

Pour le projet de la Kino série, as-tu été directement séduit par le sujet ? Le feeling est-il bien passé avec le scénariste ?

Alors, un jour, on m’a appelé en me proposant ce projet et en m’informant que j’allais collaborer avec un scénariste que je ne connaissais pas. J’ai trouvé ça marrant et ça m’a direct branché ! Je me suis dis, « pourquoi pas ? ». J’ai ensuite appris qu’il s’agissait d’Antoine Cupial. Je ne le connaissais pas mais après quelques recherches je suis tombé sur un des ses courts-métrages qui s’appelle « Diagnostic ». J’étais allé le voir à l’Aquarium Ciné Café et j’avais été totalement séduit, il m’avait fait « mourir de rire » ! J’avais vraiment adoré son travail. J’ai alors été totalement séduit par cette collaboration et j’étais très heureux d’avoir cette chance de travailler avec un scénariste comme Antoine dont j’avais aimé le travail par pure coïncidence. Je me suis alors dit « Ha oui ça me plait bien cette aventure, j’ai vraiment envie d’y aller ».

Concernant la collaboration avec Antoine, elle s’est très bien passée. On a eu un peu de mal à se voir car on ne vient pas forcément du même endroit, donc on a beaucoup échangé par message, Skype ou téléphone. Le fait de ne pas se voir n’a pas été facile puisque l’on a toujours cette envie d’échanger en face à face. Néanmoins, le travail d’écriture a vite commencé, on en a discuté puis on a procédé à quelques retouches. Au final, ça a été super facile, ça a glissé très facilement.

Après au niveau du sujet, on est tombé sur le casting. Avant même d’en prendre connaissance, on avait regardé les épisodes précédents et on s’était dit « ça peut vraiment être génial ». On avait déjà des idées de dingue. Puis quand on nous a annoncé le sujet, on s’est demandé ce que l’on allait faire sur le casting. C’était sûrement l’un des seuls sujets sur lequel on n’était pas inspiré. Mais finalement, notre production marche plutôt bien donc c’est cool !

As-tu déjà eu des difficultés avec des scénaristes qui sont restés bornés sur leurs idées et/ou tu n’avais pas ton mot à dire ?

Le fait qu’un scénariste reste bloqué sur son idée ne veut pas forcément dire que c’est un mauvais scénariste. Je suis une personne qui aime beaucoup échanger. Je ne forcerai alors jamais un scénariste à changer ses idées à partir du moment où il m’explique ses choix. S’il me donne des bons arguments, il est donc largement capable de ma faire changer d’avis ! Antoine, par exemple, m’a fait changer d’avis sur certains points et inversement, j’ai réussi à lui faire changer d’avis sur d’autres points. L’échange, basé sur quelque chose de sensé, est alors indispensable pour mener à bien un projet. Il y aurait un problème si le réalisateur ou le scénariste restait borné sur ses idées.

Seuls les goûts et les couleurs peuvent être imposés lors de la mise en scène.

Comment se déroule un tournage, de manière générale ?


C’est une vaste question. Un tournage rassemble divers corps de métier, ayant des savoir-faire et des techniques différents et travaillant, par la suite, en équipe. Il est donc difficile de résumer la manière dont se déroule un tournage. Ce que je peux vous dire c’est qu’il est composé de différentes étapes. Il y a tout d’abord la pré-production, pour toute la préparation du tournage, puis le tournage et la post-production. La pré-production peut d’ailleurs prendre diverses formes en fonction du type de tournage. En effet, elle va varier s’il s’agit d’une interview dans un café ou alors d’un film pour la première guerre mondiale, comme j’ai eu la chance de tourner l’année dernière. L’approche du tournage est donc un petit peu différente mais, pour résumer, un tournage rassemble techniciens et artistes qui travaillent ensemble, avec un savoir-faire différent. Il y a cependant une certaine forme de hiérarchie et un certain nombre de techniques qui permettent de mener à bien un projet qui, en amont, a été préparé et écrit par un scénariste et un réalisateur.

Est-ce que c’est le réalisateur qui manage tout ce petit monde ?

Au début, j’avais uniquement des petites équipes et j’avais tendance à vouloir tout faire. Mais, au fil des années, j’ai appris à bien m’entourer. C’est vraiment important d’avoir les bonnes personnes autour de nous puisqu’elles nous permettent de mener à bien le projet. Au final, le réalisateur est la personne qui tient le projet et qui va tout faire pour qu’il soit sensé. Le film sera ensuite alimenté par le talent de chaque personne de l’équipe et le réalisateur se chargera du bon déroulement du tournage, en guidant et chapotant les équipes afin de respecter l’idée initiale. Le tournage d’un film est en faite un véritable un travail d’équipe.

Te rappelles-tu de ta première réalisation en tant que réalisateur ?

C’est une très bonne question, en faite je ne me suis jamais demandé ce que j’avais réalisé en premier.

Si on remonte vraiment très loin, je me rappelle avoir filmé avec le caméscope d’une amie de mon père, alors même que j’avais 6-7 ans, lorsque l’on était dans une maison familiale avec tous les cousins. Je pense que c’était le premier « film » que j’ai réalisé. Après, le premier vrai gros projet, c’était le clip de Vitalic « No more Sleep », il y a 5 ans. C’était la première fois que je travaillais et tournais avec une grosse équipe, structurée, organisée et professionnelle. Tout c’était vraiment très bien passé, alors que l’équipe était plutôt jeune. Je ne le dirai jamais assez mais, entouré des bonnes personnes, le tournage et la réalisation d’un film devient plutôt facile.

Quel format préfères-tu réaliser ?

Pour être franc : je fais de la pub pour gagner de l’argent, je fais du clip pour faire des belles images, je fais du court pour espérer faire du long et j’écris des longs en devant les réduire pour faire des courts.

Le court est un format assez difficile, voir très difficile parce qu’il laisse peu de temps pour créer une véritable connexion entre le spectateur et les personnages. De plus, en règle générale, les histoires que j’écris ont tendance à durer dans le temps, on a forcément envie que notre personnage traverse des épreuves, tout en restant touchant. Du coup, c’est vraiment compliqué par la suite des les réduire pour créer du court, en conservant la même histoire et en arrivant à être accrocheur. Le court est donc un véritable défi mais aussi, et surtout, un entrainement que je continuerai de faire jusqu’à la fin de ma carrière. Néanmoins, mon rêve est de faire du long. Pour moi, avec du long, on s’investie d’avantage et on arrive plus facilement à atteindre le spectateur.

Est-ce compliqué de faire un casting, de trouver les bons acteurs ?

Le casting n’est pas forcément ce qui me fait le plus galérer lors de chaque film. Mais, je pense qu’il est très facile de passer d’un très mauvais casting à un casting plutôt pas mal. Bien sûr, la difficulté réside ici dans le fait de trouver LA personne qui incarnera le mieux un rôle et qui va faire « la perfection du projet ». Me concernant, j’ai toujours tourné des courts et des pubs donc je peux me permettre d’avoir une petite «  marge d’erreur ». Néanmoins, sur des longs comme des séries par exemple, il est primordial d’avoir des directeurs de casting qui ont ce savoir-faire et les contacts pour trouver le bon visage, le bon caractère. Certains films ou certaines séries tiennent vraiment qu’à leur rôle principal. Le casting est alors ici non négligeable. En ce moment, par exemple, je regarde la série Vikings et je trouve que depuis le départ de Travis Fimmel (qui incarne le personnage principal), la série n’a plus le même goût. Cela montre alors très bien qu’il est important de trouver la perle rare qui permettra de tenir en éveille la série.

Qu’est ce qui est le plus compliqué dans la réalisation d’un tournage ?

En tant qu’auteur-réalisateur, ce qui m’embête le plus c’est d’écrire. Je me fais en quelque sorte, à chaque fois, un peu violence. En faite, je rêve de pleins de choses, j’ai beaucoup d’idées … et le plus dur va être de les mettre sur papier, de transformer ces idées en mots, de les structurer et d’en faire une histoire.

Après, en tant que réalisateur, il n’y a pas grand chose que je trouve difficile, même si la préparation n’est pas ce que je préfère. C’est vrai, c’est toujours un peu chaotique. Mais, au final, quand je vois que toutes les pièces du puzzle s’assemblent, que tout le monde est là le premier jour de tournage, que les lumières sont allumées, que la caméra est face au comédien, qu’on dit action et que les acteurs commencent à jouer, je ressens une sensation géniale. On finit alors par apprécier cette pré-production.

Est-ce que le fait de recommencer un certain nombre de fois une scène t’énerves ?

Lorsque l’on tourne, il arrive assez fréquemment de devoir retourner plusieurs fois une unique et seule scène. J’ai tourné, par exemple, un clip il n’y a pas si longtemps de ça, où l’un des comédiens devait taper dans un sac de sable comme s’il faisait de la boxe. Cette scène a été difficile et on a dû la refaire et la re re faire pour, au final ne pas la conserver dans le produit final. Donc des fois, oui c’est laborieux. Néanmoins, je pense que si tout est bien travaillé en amont avec les comédiens et qu’il y a des répétitions, on ne tombe pas dans ces travers là. Il est d’ailleurs parfois un peu sous-estimé de faire des répétitions avec ses comédiens. Mais pourtant, cette étape est nécessaire. C’est vrai, il est impossible de créer les intentions et de jouer correctement le rôle le jour du tournage. C’est donc pour cela que les répétitions prennent souvent du temps. Elles permettent aussi l’émergence de nouvelles pistes qui n’étaient pourtant pas prévues de base.

Ton métier en un seul mot/ une phrase ?

En un seul mot ? Alors, je dirai : du social. Mon métier est basé sur des rencontres et c’est ce qui fait que j’adore ce métier. On rencontre beaucoup de personnes, de toutes origines, de tous lieux et puis ensuite on partage et on vit des moments extraordinaires. Le contact humain me plaît beaucoup. Dès fois on vit des aventures où on va tourner, 30, 50, 60 90 jours ensemble, dans des situations qui peuvent être complètement dingues : en plein milieu de la forêt, dans une tranchée, puis dans une maison… Oui on est fatigué mais on l’est tous ensemble, on partage quelque chose de tellement intenses ensemble que lorsque le tournage est terminé et que l’on doit se dire au revoir, c’est parfois difficile. J’ai parfois même des blues de fin de tournage. On ne se sent parfois pas bien quand, du jour au lendemain, on se retrouve tout seul, sans toute cette équipe que l’on a côtoyée lors du tournage. On a l’impression d’avoir perdu nos potes.

As-tu déjà réalisé un défi mensuel Kino ?

Alors non je n’ai jamais réalisé de défi mensuel Kino, je n’ai jamais fait de 48h Film Project non plus, ni tout autre défi. Je suis admiratif de ceux qui le font parce que, pour tout vous dire, j’ai toujours besoin de beaucoup de temps pour réfléchir, écrire. Je suis du genre à écrire un scénario et de la laisser dans un coin pendant 6 mois puis, un jour, de revenir dessus. Cela me permet de prendre du recul sur mon projet. C’est pourquoi, écrire, pré-produire, réaliser et post-produire en 48h ou en 1 mois est un défi que je trouve vraiment difficile. Personnellement, je ne m’en pas capable. Là je me suis lancée dans cette aventure car j’avais, à mes côtés, un scénariste doué et qui avait cette capacité à écrire rapidement. Cela me permet aussi de sortir de ma zone de confort alors que, jusqu’à maintenant, je ne m’en sentais pas capable.

Une anecdote de tournage à nous raconter ?

Il y en a une que je raconte beaucoup ces derniers temps. On tournait un clip sur la première guerre mondiale dans un champ. Le paysan propriétaire s’appelait Mimi et avait une femme qui le suivait de partout. Elle était très caractérielle et refusait le fait que l’on tourne sur son terrain. Mail il y avait un problème : Mimi, lui, avait donné son accord. On a alors tourné dans ce champ. On a même fait un champ de bataille de 100m par 60, une tranchée de 36 mètres, des explosions dans tout les sens… Clairement, on a retourné le champ de Mimi. En voyant ça, sa femme était un peu paniquée et ne cessait de râler. Pour être franc, elle me soulait. Le couple avait en faite peur que l’on tue la fertilité du champ en voyant le nombre de personnes le piétiner et la quantité de terreau déversé sur ce dernier. C’était vraiment l’inquiétude number one. Mimi nous détestait. Quelques temps après, des tests ont été fait afin de connaître la fertilité du terrain, résultat : les analyses étaient fabuleuses, le champ était devenu très fertile ! Lorsque l’on est revenu sur ce champ, la femme de Mimi, qui nous avait longtemps détestée, est venue nous accueillir avec des coupes de champagne et du champagne. On a trinqué au milieu du terrain car ce dernier était devenu très fertile, comme jamais il l’avait été, grâce au terreau que l’on avait mis pendant les 2 mois de tournage. J’ai trouvé ça super marrant !

Le mot de la fin ?  

Le meilleur moyen, pour moi, de devenir un bon réalisateur ou bien même un bon technicien du cinéma, n’est pas l’enseignement mais bien d’aller sur les plateaux. C’est de produire des films, les siens ou ceux des autres ou bien encore de faire partie d’une association comme Kino. Kino permet de faire partie d’une communauté, tolérante, et qui ouvre la porte à beaucoup de personnes qui n’ont jamais fait de film. L’association permet de créer, de réaliser et de monter avec les moyens du bord. J’encourage donc tous les passionnés de cinéma à faire partie de cette communauté et à se lancer dans la production de Kino. Mon métier est génial et il mérite d’être appris à travers des initiatives comme celles de Kino.


Vous pouvez retrouver Arthur sur Facebook et sur son site Internet.
Découvrez l’épisode 3 « Casting Libre » sur la chaine Youtube de KinoLyon.